GEORGES, C'EST POUR QUAND LES 39 HEURES?
Une grosse surprise nous attendait dès notre arrivée.
En effet, alors que nous pensions pouvoir discuter tranquillement
avec "Jojo" dan son bureau, nous avons découvert un
atelier rempli de blouses bleues, un client venu de Bordeaux
demandant des conseils pour la fabrication du cadre de sa Trident, et
trois allemands venus prendre livraison de dix motos.
Ayant réussi à repérer notre homme dans cette
agitation, je l'interpelle
- "Georges, c'est pour quand les 39 heures ?"
Un peu surpris, il lève la tête
- "Si tu parles des 39 heures par jour c'est bon ! Tu sais je me
lève à 6 h 15 et je ne me couche jamais avant 23 h".
"Alors ça marche plutôt bien pour toi".
- "Oui. On ne peut pas se plaindre. Depuis 10 ans que j'ai
crée Martin Produc-tion, j'ai vendu 3 600 motos. Mais on
pourrait peut être parler de tout ça en déjeunant?
Si vous voulez en attendant, je vais vous faire visiter l'usine ".
Suivant le Maître des lieux, nous commençons la visite.
-
"Là, vous avez les tubes en 25 CD 4S"
- "Je croyais qu'ils étaient en acier" ironise Marc.
- "J'ai aussi du tube rectangulaire qui est fabriqué
spécialement pour moi... Quand tous les tubes ont
été découpés, nous les passons dans cette
cintreuse numérique puis nous les soudons. Pour l'aluminium,
j'ai 2 postes à argon TIG qui n'est pas le même que l'argon..."
Là s'en suit une explication détaillée des
différentes sortes de soudure, qui, je dois l'avouer, m'a un
peu échappé.
- "Evitez de prendre des photos de trop près - demande
Georges à Marc - car je préfère garder mes
petits secrets de montage&ldots; Ce n'est pas que j'ai peur des
espions, mais on ne sait jamais ".
Notre agent très spécial ne prendra donc que des photos
autorisées car nous ne voulons pas, que par notre faute, le
coup du Tupolev se réédite...
Nous voici arrivés au bout de la chaîne où les
cadres à l'état brut sont stockés avant de subir
la protection de surface. Après quoi ils partiront dans un
autre bâtiment afin d'être montés.
- "Je vous emmènerai voir la finition cet
après-midi car j'ai quelques coups de téléphone
à donner. Regardez ce qui vous intéresse mais pas trop
de photos..."
Marc essuie une larme à regret et range son Minox dans sa
poche revolver. Profitant de cette liberté d'action, nous
furetons à la recherche d'un scoop - ce n'est pas tous les
jours que Martin laisse entrer des journalis-tes dans ses ateliers -
mais avant que nous ayons fait le tour des coins et recoins, Georges
revient et nous invite à déjeuner.
D'un air détaché, je l'interroge
- "Et cette 250, on peut la voir ?"
Son regard inquisiteur se pose sur moi
- "Quelle 250 ?"
- "Ah ! Il n'est pas au courant, il n'a pas dû lire le
journal ! plaisante Marc. Mais voyons, une 250 à moteur Rotax,
ça ne te dit rien ?"
La réponse tardant à venir, nous partons déjeuner
- quand je dis " partons ", je devrais dire nous essayons
de partir, car Georges n'arrive pas à mettre la main sur le
double du double des clés de sa voiture...
- "Je reviens d'un salon en Suède et je me suis tout fait
voler dans ma chambre d'hôtel à Stockholm. Je me suis
rendu à l'Ambassade de France pour demander un billet de
retour ! Arrivé à Paris, j'ai raclé le fond de
mes poches pour prendre un taxi jusqu'à Roissy, mais une fois
à Nantes plus de voiture... J'en suis à mon 3ème jeu..."

A NOUS LES HOMARDS
Avec un peu de patience et de bonne volonté, nous partons...
Manque de chance, le restaurant prévu est fermé...
Qu'à cela ne tienne, nous irons dans une pizzeria manger des
pâtes au bord de la mer, quand vous venez de faire 500 km, il y
a plus sympa, tant pis. Damned ! La pizzeria est également
fermée ! A croire que les gens ici ne mangent que pendant les
2 mois de vacances&ldots; -Georges parvient à nous
dégoter un petit resto sur le port. A nous les fruits de et
autres homards !!!
Nous passons à table et examinons avec appétit la carte
proposée. La serveuse s'apprête à prendre notre commande.
- "Pour moi, un plateau de fruts de mer. Et toi Marc ?"
- "Non, non ! s'exclame Martin ; Si vous voulez être
à l'usine à 14 h, vous n'aurez jamais le temps de
manger tout çà. Apportez-nous des sardines et du colin
avec une bouteille de réserve !"
Adieu huîtres, crevettes, langoustines. Bonjour les
sardines...En attendant le premier plat, j'interroge Georges
-
"Où en est Martin Production depuis sa création
en 1972 ?"
- "Et bien, j'ai aujourd'hui 24 ouvriers dans mon usine et je
réalise un chiffre d'affaire d'un milliard 500 millions
d'anciens francs".
- "Quelle est ta production annuelle ?"
- "Depuis 3 ans je vends 600 motos par an"
- " Quels sont les pourcentages de vente à l'exportation
? "
- " Je vends 50 % de ma production en France, le reste allant
pour 30 % en Allemagne -et 20% se divisent entre la Suisse, la
Belgique, les Etats-Unis, l'Australie et même Nouméa..."
- "Aurions nous affaire à une Multi-nationale ?"
- "Pas du tout - s'empresse de nous rassurer Martin; mais une
entreprise qui veut survivre est obligée d'exporter car le
marché français n'est pas suffisant"
La crème anglaise avalée à grands coups de
cuillère, nous repartons à l'usine. Les Allemands font
les 400 pas devant la porte, impatients de l'arrivée d'Her
Doctor Martin, pour retirer les 10 motos qu'ils ont commandées.
- "Tu parles allemand, toi ?" demande Georges
- "Non. Et toi ?"
La scène de mimes qu'entreprend alors Martin pour leur
expliquer ce qu'ils doivent faire pour amener le camion et charger
motos, est digne des meilleurs Charlots et Buster Keaton. |